Quitter Arsenal pour rejoindre Chelsea. Sur le papier, depuis 15 ans ce choix correspond à une progression pour un joueur. Mais si le football se limitait à la théorie, ça se saurait. Olivier Giroud à Arsenal, c’est 253 matchs pour 105 buts en 5 ans et demi, soit un peu moins d’un but tous les deux matchs. Des statistiques plus qu’honorables auxquelles il faut également ajouter 36 passes décisives. Malgré des périodes plus difficiles que d’autres durant lesquelles il arrivait qu’Arsène Wenger lui fasse tester les sièges de l’Emirates Stadium, Olivier Giroud a été l’un des joueurs les plus importants de la décennie à Arsenal. Alors partir à Chelsea était plus qu’un pari, surtout à 6 mois de la Coupe du monde. Dans une équipe qui avait déboursé pas moins de 65 millions d’euros pour s’offrir les services d’Alvaro Morata et qui comptait alors encore Michy Batshuayi dans son effectif, venir pour gagner du temps de jeu était osé. Mais l’ancien Montpelliérain a réussi ce pari. Deux semaines après avoir signé à Chelsea, le nouveau n°18 scorait pour la première fois sous ses nouvelles couleurs. Quatre autres buts et trois passes décisives suivront en 17 matchs au total. Mais plus encore que les chiffres, la preuve de l’excellente adaptation de Giroud à Chelsea vient tout simplement de son temps de jeu puis qu’il a fini par pousser Morata sur le banc et s’imposer comme le titulaire en pointe aux yeux d’Antonio Conte. De quoi se mettre dans les meilleures dispositions avant le Mondial.
Barré par Lacazette depuis l’été dernier, puis par l’arrivée d’Aubameyang lors du mercato hivernal, Giroud n’entrait définitivement plus dans les plans d’Arsène Wenger. Pourtant, l’attaquant offrait des statistiques plus que raisonnables à Arsenal et parvenait toujours à revenir après une période de disette ou de moins bien. La force mentale du Tricolore est l’un de ses principaux atouts, qui fait qu’il n’a jamais rien lâché du côté de l’Emirates malgré les critiques et le fait qu’il était loin de faire l’unanimité. Et c’est sûrement cette force mentale qui l’a poussé à céder au discours d’Antonio Conte et de signer à Chelsea. Relever un défi ne semble pas faire peur à l’ancien Montpelliérain. Et alors que son temps de jeu était infime à Arsenal, il ne tarde pas à prendre le pas sur un décevant Alvaro Morata chez les Blues. Dans un système tactique taillé pour lui et largement éprouvé par Conte lors de son passage sur le banc de la Squadra Azzura, son duo d’attaque avec Eden Hazard n’était pas sans rappeler celui de Pellè-Eder avec l’Italie. La taille et le physique pour l’un, la vivacité et la vitesse pour l’autre. Grâce à cela, Olivier Giroud a pu soigner sa feuille de stats en seulement 6 petits mois à Stamford Bridge, et terminer devant Arsenal au classement.
L’Équipe de France c’est l’élite du football pour tous les joueurs français. Dire qu’Olivier Giroud en fait partie serait aussi risible qu’inquiétant pour le football dans notre pays. Alors oui, bien-sûr, il a mérité à une époque de porter le maillot des Bleus. Si Laurent Blanc ne l’avait pas sélectionné en 2012 alors qu’il finit meilleur buteur de Ligue 1 et champion de France par la même occasion, cela aurait été une hérésie. Et l’avant-centre a répondu présent, il n’y a pas de doute sur la question. La véritable question n’est pas de savoir si Olivier Giroud a fait ce qu’il fallait pour rester, la réponse est oui, son état d’esprit est remarquable avec l’EDF et il fait partie de ces joueurs qui ont faim de chaque ballon qui passe à proximité. La vraie question est plutôt, n’y a t-il vraiment aucun français meilleur qu’Olivier Giroud à ce poste ? Et là, la réponse n’est pas forcément en faveur de l’attaquant de Chelsea. Alexandre Lacazette n’est-il pas un meilleur avant-centre que lui ? La question peut se poser, l’ancien lyonnais ayant réussi à piquer la place de titulaire à Arsenal n’a pas pu faire de même en sélection. Pourtant, il est buteur beaucoup plus affuté et participe au jeu, bien au-delà du rôle de pivot qu’exerce (certes très bien) Olivier Giroud. André-Pierre Gignac a t-il réellement moins la posture d’un avant-centre des Bleus qu’Olivier Giroud ? Là aussi la question peut se poser même si le choix de carrière d’APG a précipité sa séparation avec le groupe France malgré sa présence à l’Euro 2016. Kevin Gameiro, coéquipier d’Antoine Griezmann à l’Atlético Madrid ne serait-il pas plus adapté avec ses qualités techniques au jeu de l’Équipe de France ? Et Sébastien Haller, option jamais tentée par Didier Deschamps ne serait-il pas un buteur plus efficace ? Parce qu’aujourd’hui le problème d’Olivier Giroud est là : on ne peut pas vraiment le dire buteur. Alors certes, avec 30 buts en 71 sélections, l’ancien Gunner est le cinquième meilleur buteur de l’histoire de l’Équipe de France et certes son ratio est intéressant mais combien d’occasion gâchée pour arriver à ces 30 buts ? Et face à qui ? Inscrire des doublés en amical face à l’Australie, la Norvège, l’Écosse ou un triplé face au Paraguay fait-il de Giroud un grand attaquant ? Et en compétition, Olivier Giroud n’avait pas inscrit le moindre but à l’Euro 2012, un seul au Brésil en 2014 lors de la fessée administrée à la Suisse et trois buts à l’Euro 2016 dont un doublé face à l’Islande qui, bien que vaillante, s’était faite manger par les Bleus. Finalement, même ses statistiques, si souvent montrées comme raison de sa présence en Bleus, ne sont pas si étincelantes que cela.
Mais cela reste relatif car dépendant du rôle que le sélectionneur veut confier à son attaquant de pointe. Avec Griezmann positionner en soutien et électron libre derrière l’attaquant, Giroud remplit parfaitement les critères cochés par Didier Deschamps, à savoir servir de point d’appui au cœur de la défense adverse. Mais si ce rôle vient à changer, le temps d’un match pour répondre à des exigences particulières ou sur le long terme, Giroud devra laisser sa place. Au vu des profils qui toquent à la porte du poste de numéro « 9 » en Equipe de France, la doublette avec Antoine Griezmann aux avant-postes devraient rapidement changer de stratégie. Avec Mbappé, le jeu gagnera en mobilité et en profondeur. Les Lacazette et Ben Yedder qui attendent offrent un profil assez similaire au Parisien. Donc Giroud est l’attaquant qui convient le mieux à l’Equipe de France telle que Didier Deschamps veut la faire jouer actuellement. Mais en cas de changement de mentalité offensive, le buteur tricolore devra céder sa place.
Alors certes, au vu de la liste de Didier Deschamps, Olivier Giroud est le seul attaquant de pointe des Bleus. Sa présence comme titulaire en 9 ne fait donc aucun doute dans la tête du sélectionneur qui n’est pas un grand fan du changement. Mais une réorganisation tactique pourrait pourtant être une solution adéquate. En passant en 4-1-2-1-2 avec Mbappé et Griezmann en pointe, Fékir ou Lemar en 10 et Dembélé et Thauvin sur les côtés, l’Équipe de France serait beaucoup plus homogène et profiterait d’un technicien de plus sur le pré à la place d’Olivier Giroud vers qui les ballons sont souvent aériens pour profiter de son mètre 92. Une grande taille qui pourrait servir en sortie de banc pour apporter de l’impact physique en fin de match, sur les coups de pieds arrêtés notamment.
Par rapport au système actuel adopté par Didier Deschamps, Olivier Giroud offre le profil parfait en complément d’Antoine Griezmann. Comme à Chelsea, où il a pu compter sur l’expérience tactique d’un Antonio Conte expert de cette combinaison offensive, le buteur tricolore arrive à la Coupe du monde après avoir soigner ses automatismes dans ce rôle de pivot et de remiseur pour un joueur plus technique. Il s’agit d’Eden Hazard à Chelsea, ce sera Antoine Griezmann avec l’Equipe de France. Olivier Giroud pèse sur les défenses, ce qui se retourne parfois contre lui. C’est un rôle de l’ombre, il est à la fois la première ligne de défense de l’équipe – jamais avare d’efforts – et celui qui effectue le travail de sape dans les défenses adverses. Giroud marque… et fait marquer ses coéquipiers. Le sélectionneur change rarement ses plans, mais la place de Giroud à la pointe de l’attaque tricolore dépend de l’animation offensive que Didier Deschamps veut donner à son équipe. A 31 ans, il cèdera bientôt sa place à la nouvelle génération, Kylian Mbappé en tête. Le jeune Parisien est le futur au poste de l’Equipe de France et le sélectionneur l’a rappelé en conférence de presse suite à sa liste des 23, il compte sur Mbappé en pointe pour le Mondial à venir. Mais il est encore un peu tôt pour donner les clés de ce poste si particulier à un gamin de 19 ans alors qu’on a l’expérimenté Giroud sous la main. Pour son parcours sous le maillot Bleu et les services rendus, Giroud mérite amplement d’être titulaire au Mondial.
Malgré un manque de finition qui peut parfois s’avérer incroyable, Olivier Giroud a tout de même planté pas moins de 230 buts dans sa carrière. Un nombre remarquable et dans lequel se trouvent quelques chefs d’œuvre. On peut ainsi citer son coup du scorpion inscrit face à Crystal Palace en janvier 2017 qui lui a valu le Prix Puskas, mais également ses retournés acrobatiques face au Bayern Munich et Crystal Palace (encore), son délicat lob placé avec les Bleus face à l’Australie, ses Madjer (dont la plus belle est sans doute celle mise contre l’Écosse) ou, encore plus nombreux, ses missiles qu’il a propulsé au fond des filets de Liverpool, de la Norvège, de la Suède, de Manchester City et de tant d’autres équipes. Sans compter les dizaines de buts inscrits de la tête d’à peu près toutes les zones de la surface de réparation. Ainsi, dans quelques années les jeunes qui iront sur YouTube découvrir des vidéos d’Olivier Giroud car ils seront trop jeunes pour se souvenir du manque d’apport dans le jeu de ce joueur ou de ses ratés incroyables, ils ne pourront que se demander si ce Giroud n’était pas un très grand attaquant capable de marquer des buts de folies comme il y en a tant sur la plateforme de vidéos. YouTube glorifie Olivier Giroud, comment ne peut-il pas alors être considéré comme un joueur YouTube ?
Certes Olivier Giroud a planté des buts incroyables, monumentaux et qui nous rappellent à tous pourquoi on aime le football. Mais une compilation de buts ne fait pas un joueur YouTube, aussi beaux soient-ils. Le joueur YouTube se caractérise avant tout par ses capacités techniques, ses dribbles ravageurs et sa finesse balle au pied. Non pas qu’Olivier Giroud en soit incapable, loin de là (son but « à la Messi » contre Southampton en Cup nous prouve le contraire), mais ce n’est pas sa qualité première. Avant d’arriver au Barça, Neymar avait cette étiquette de joueur YouTube collée à la peau. Dribbleur, provocateur, passeur, buteur… Le Brésilien était jeune, bourré de talent et faisait le show pour agiter la Toile. Neymar était (et est toujours) un spectacle de tous les instants. C’est cela, un joueur YouTube.
— Football Hub (@FootbalIhub) 23 octobre 2017