La Russie est habituée aux scandales de dopage dans le sport. Tout le monde a ainsi encore en tête l'affaire des athlètes qui s'étaient dopés lors des JO de Sotchi après que l'État russe ait fourni des moyens considérables pour favoriser ce dopage et surtout, le cacher à l'Agence mondiale antidopage (AMA) qui procède aux contrôles de sécurité. Dénoncé par l'ancien directeur du laboratoire antidopage de Moscou, ce système avait failli empêcher les athlètes russes de participer aux Jeux Olympiques de Rio en 2016 et obliger ceux qui n'avaient pas été pris à disputer les JO 2018 sous la bannière olympique et non celle de leur pays. Bien plus épargné par les histoires de dopage que la plupart des autres sports, le monde du football et tout particulièrement celui du football russe est dans la tourmente après que, coup sur coup, deux médias de deux pays différents accusent la Fédération russe de football d'avoir caché des cas de prises de stimulants.
C'est d'abord la chaîne de télévision allemande ARD qui affirme, jeudi, qu'un joueur du Rubin Kazan, Ruslan Kambolov, international à deux reprises, s'est vu couvrir par le FSB, les services secrets russes, dans une affaire de dopage. Contrôlé en 2015 alors qu'il est avec sa sélection, le milieu de terrain est positif à la dexamethasone, un produit interdit par l'Agence mondiale antidopage. C'est alors que selon ARD, qui cite le lanceur d'alerte Grigori Rodchenkov, l'homme par qui est parti le scandale de dopage durant les JO, le gouvernement russe est intervenu. Ainsi, l'échantillon d'urine de Ruslan Kambolov a été échangé avec un autre, propre de toute substance illicite, par un agent du FSB afin d'éviter tout esclandre et pour ne pas mettre à mal un système de dopage ultra sophistiqué.
Fifa refuses to reveal Russia drug test numbers following hosts' staggering World Cup starthttps://t.co/oSrKIUZpwj
— The Telegraph (@Telegraph) 22 juin 2018
Au lendemain de ces révélations de la télévision publique allemande, c'est au tour du journal anglais The Telegraph de soulever une autre histoire sur fond de dopage organisé, qui a lieu ce coup-ci en ce moment même, au Mondial 2018 en Russie. Dans son édition d'hier, le quotidien a soulevé la question du refus de la FIFA de publier des informations sur le nombre et les résultats des contrôles antidopages effectués sur les joueurs de la Sbornaya. Car depuis le début de cette Coupe du monde disputée à domicile, la Russie n'a cessé d'impressionner avec deux victoires éclatantes face à l’Arabie Saoudite (5-0) et l’Égypte (3-1) et un abatage physique épatant. En additionnant les prestations physiques des joueurs de Stanislav Tchertchessov, on se rend compte qu'ils ont parcouru 118 kilomètres lors du premier match et 155 kilomètres (!) lors du second. Des statistiques qui en imposent, mais qui laissent également songeur, la Russie se détachant largement des 31 autres équipes engagées dans cette compétition au niveau du travail physique et des kilomètres avalés. Le directeur de l’Agence américaine antidopage, Travis Tygart, s'est ainsi ému dans les colonnes du Thelegraph du refus de la FIFA de communiquer les données liées aux tests sur les joueurs russes, expliquant notamment que « des performances extraordinaires demandent des tests additionnels ». Des interrogations auxquelles la Fédération a répondu par un communiqué conclu par cette phrase : « quand il s'agit de tests pendant la compétition, comprenez que nous ne pouvons pas commenter. » De quoi supposer que la FIFA compte publier les résultats des contrôles antidopages des joueurs russes dès la fin du Mondial ? Rien n'est moins sûr.
Et comme l'expliquent nos confrères de SoFoot qui ont eu la possibilité de rencontrer Eduard Bezuglov, le médecin en chef de l'équipe nationale de football, sur le fait qu'il ait été envoyé répondre aux questions des journalistes, prouve que ces accusations inquiètent toute la Russie. Mais Eduard Bezuglov est habitué à répondre à ce type d'interrogations sur le dopage et sait manier les mots. « Avec seulement deux rassemblements depuis le début de l’année, entre les tests de la FIFA, de l’UEFA et de Rusada, l’agence antidopage russe, nos joueurs ont été contrôlés plus de 300 fois. Je vous parie une bouteille de lait, allégé bien sûr, que c’est plus de deux fois le nombre de tests pour les joueurs anglais. Donc je pense qu’ils devraient se regarder dans une glace », a-t-il sèchement lancé en parlant des médias Anglais, déjà à l'origine du scandale de dopage organisé durant les Jeux Olympiques de Sotchi avant de conclure avec une réponse toute faîte sur les bonnes performances de la Sbornaya. « Un bon entraînement, une bonne motivation, et nous avons toute la Russie derrière nous. Notre équipe a toujours été reconnue pour sa bonne condition physique », explique-t-il, incitant les Britanniques les imiter. « Si vous êtes anglais, vous devriez demander à l’entraîneur anglais pourquoi il ne s’inspire pas de nous.» Pas sûr que tout cela améliore les relations diplomatiques entre la Russie et l'Angleterre.